Entretien avec Monsieur Philippe Frappat, le gérant de l’agence de tour-opérateur réceptif, Gassy Tour, spécialisé dans le tourisme solidaire.
Bonjour Monsieur Frappat, Pouvez-vous nous parler de votre première expérience avec votre pays d’adoption Madagascar et racontez nous comment est né Gassy Tour ?
Mon premier voyage remonte à l’an 2000. Ce fut avant tout un voyage touristique de 45 jours vers le Sud, les régions de Morondava et de Majunga. J’ai tout de suite été très touché par ce pays, sa beauté, son accueil chaleureux, son authenticité. Quand je suis reparti, je n’avais qu’un seul regret, c’est de n’avoir pas eu plus de contacts directs avec la population. C’est pourquoi, quand 7 ans plus tard, je suis revenu m’installer à Madagascar et qu’est né l’idée de créer GassyTour, j’ai souhaité développer un tourisme qui favorise les rencontres et les échanges entre les touristes et la population malgache, principalement celle qui vit en milieu rural et artisanal.
Qu’est-ce qui différencie Gassy Tour des autres Tour-opérateurs réceptifs locaux en termes de produits et de prestations de service ?
Tous les TO qui exercent à Madagascar sont très professionnels et exercent leur métier avec talent. Certains sont tournés vers du tourisme classique, d’autres vers l’aventure, le sport, le trekking, les circuits à thèmes, le balnéaire. Si nous prenons un circuit classique au départ de Tana, ce qui va changer d’un TO à l’autre, c’est l’organisation de certaines étapes. A GassyTour, nous avons voulu privilégier le tourisme villageois et nous avons ainsi aménagé des étapes pendant le circuit avec des journées consacrées à la découverte du milieu rural et des hébergements dans des structures de type gite ou hébergement chez l’habitant. Nous travaillons de ce fait beaucoup avec des associations ou des ONG qui oeuvrent en milieu rural et qui développent avec les villageois des structures pour accueillir les touristes afin d’offrir aux populations locales un revenu supplémentaire et ainsi freiner l’exode rural vers les villes.
Vous vous positionnez comme le spécialiste du tourisme solidaire à Madagascar, pouvez-vous nous en dire plus ? Concrètement pourquoi avoir choisi ce créneau, est-ce par conviction ou par opportunisme marketing ?
Tourisme solidaire, tourisme durable, tourisme participatif, tourisme rural ou villageois, difficile de s’y reconnaitre aujourd’hui dans tous ces labels souvent utilisés à tort et à travers car c’est à la mode. Si vous n’êtes pas d’abord convaincu, ce n’est pas la peine de vous lancer dans cette aventure. Car, c’est une aventure. Développer un circuit solidaire va demander beaucoup plus d’effort dans sa conception que de développer un circuit classique. Valider une étape en milieu rural nécessite du temps, de l’énergie, de la formation sur le terrain, de la sensibilisation des populations. C’est beaucoup plus complexe que d’aller valider un établissement hôtelier en bord de mer. Economiquement, c’est aussi moins rentable pour une société comme un TO qui se rémunère en partie sur les commissions hôtelières. Mais nous travaillons aussi avec nos partenaires hôteliers, en essayant de privilégier ceux qui se sont engagés dans des actions de développement du pays ou des actions sociales comme la création d’écoles et de dispensaires. Le tourisme solidaire n’est pas du mécénat. GassyTour est une société et ma responsabilité sociale est aussi de payer mes employés tous les mois, d’être en règle vis-à-vis du pays qui nous accueille et de faire des bénéfices pour assurer notre développement. Le marketing est donc important, mais je n’emploierais pas le terme d’opportunisme, plutôt de complément indispensable à notre conviction. De même que je n’affirmerais pas être le spécialiste du tourisme solidaire. Disons que j’essaie d’être un acteur du tourisme durable à Madagascar..
Justement quel est le circuit estampillé « solidaire » que vous souhaitez à tout prix faire découvrir à nos internautes cette année ?
Si je me reporte aux suivis qualités que nous effectuons auprès de nos clients, les étapes en milieu rural arrivent très souvent classés en tête de leurs meilleurs souvenirs. Faire la route du Sud de Tana à Tuléar, pour une première visite à Madagascar est souvent recommandé par tous nos partenaires TO. Je pense aussi que la diversité des paysages rencontrés fait de ce circuit un incontournable. Alors, si vous allez vers le Sud, pourquoi ne pas venir passer quelques jours dans les structures d’accueil villageois dans la région Vakinankaratra. Les touristes auront l’opportunité de vivre au milieu des malgaches, de participer à leurs travaux et d’apprécier leur gentillesse et leur accueil avec les sourires toujours présents sur les visages. Il faut savoir que 80% des dépenses faites par un touriste en milieu rural profite directement aux populations locales. .
Vous êtes présent sur la toile, mais êtes- vous familier de l’environnement digital, des médias sociaux ? Que pensez-vous de ces nouveaux médias de communication ?
On ne peut pas ignorer Internet aujourd’hui. La plupart des touristes qui viennent à Madagascar ont passé beaucoup de temps en recherches sur Internet avant de se décider. Internet permet de comparer les offres, les tarifs. L’information que vous postez sur Internet est donc primordiale. Beaucoup nous contactent avec déjà en tête la structure de leur voyage et les étapes qu’ils veulent effectuer. Google+, facebook, twitter sont aujourd’hui des outils de communication qui permettent de toucher directement les clients. Mais le plus difficile n’est pas de s’inscrire et d’être présent, il faut aussi bien réfléchir à l’information que vous souhaitez faire passer, au message qui va refléter l’esprit de votre société. Un message mal pensé peut avoir un impact très négatif. Les forums publics comme ceux du Routard ou du petit futé peuvent aussi bien ruiner votre crédibilité qu’être un formidable support publicitaire. Internet et les réseaux sociaux nous obligent à être encore plus vigilants et plus rigoureux qu’auparavant. On ne peut plus tromper le client comme cela pouvait être le cas par le passé. .
Pour ce début d’année 2012, quels sont les perspectives de Gassy Tour ? Etes-vous plutôt pessimiste ou optimiste compte tenu de la conjoncture politique toujours incertaine ?
Je me garderais bien de porter un jugement sur la situation politique à Madagascar. Comme tous les opérateurs économiques, nous espérons une sortie rapide de la crise. Après deux années noires, 2011 a été une année de reprise pour le tourisme avec des résultats proches de ceux de 2008. Les demandes pour 2012 semblent confirmer cette tendance. Je resterais donc d’un optimisme prudent, sachant qu’une nouvelle crise porterait un coup très rude au pays et à son développement..
Un dernier mot
Quelque soit le type de tourisme que vous aimez, solidaire ou pas, venez à Madagascar. Vous y vivrez une expérience unique.