La culture du zébu à Madagascar

Descendant d’une espèce indienne d’aurochs, originaire de l’Afrique, le zébu malgache se caractérise par de longues cornes, une bosse adipeuse au niveau du garrot, une grande extension de la peau sous le menton. Autrefois symbole de la royauté, l’animal reste aujourd’hui omniprésent aussi bien dans la vie quotidienne du Malgache que pendant les périodes évènementielles et même dans sa vie de l’au-delà.

Le Malgache s’imprègne de la culture du zébu dès sa tendre enfance, avec les promenades aux alentours du parc à boeufs de la famille. Puis au fil des années, il se familiarise avec ce monde à travers les jeux (kiombiomby), les devinettes, les « ankifidy » (jeu de choix), les contes, les « hainteny » et les proverbes

 

SYMBOLE DE PUISSANCE DE PROSPERITE ET DE RICHESSES

Le boeuf à bosse a été introduit dans la Grande Ile lors des vagues de migrations au départ de l’Afrique. Son nom provient du mot kiswahili « gnombe », de telle sorte que dans certains de nos dialectes, on l’appelle « aombe » ou encore « agnomby ». L’histoire raconte que dans le royaume merina, il ne prit son nom de « omby » que sous le règne de Ralambo (1575-1610).zebu4

Lors d’un de ses déplacements à Ambohitrabiby, le roi Ralambo vit des « jamoka » (boeufs) sur le point de périr à cause de leur graisse. Il donna l’ordre à l’un de ses esclaves d’en goûter la viande. Attiré par l’odeur de la grillade et la saveur du « trangitrangy » ou bosse qui était « matrafotrafo » (délicieux), il ordonna à ses hommes de rassembler ces bêtes dans un parc. Arrivés au bout de leurs peines, ils s’exlamèrent « omby e, omby e ! »,  ce qui voulait dire « c’est suffisant, tout y est ! ». A partir de ce moment, le nom de « omby » fut adopté. Sur les Hautes Terres centrales, contrairement aux autres régions, on ne consomma la viande de boeuf qu’à partir de cet instant. Aujourd’hui, la plupart des plats malgaches sont à base de viande de boeuf, tel le fameux « kitoza » ou encore « varanga ». Considéré comme un des meilleurs morceaux avec la bosse, depuis Ralambo, le vodi-hena (l’arrière-train), est destiné au roi. Celui qui enfreint cette règle verra sa femme et ses enfants réduits à l’esclavage. Depuis, on réserve cette partie aux parents et aux ainés.

Le zébu représente la puissance et la prospérité. Séduits par cet aspect, les rois en firent leur symbole. A Mahazoarivo Isandra (Fianarantsoa) se dresse une pierre levée à cinq zébus, à l’image des cinq rois qui se sont succédés au trône durant un siècle et demi. Les trois, tournés vers le Sud, sont des cornes longues et des bosses élevées. Ils représentent les rois Ralambovitaony (1710-1730), Ramasimbanony (1730-1750) et Andriambetany (1750-1790) qui, de par leur puissance, ont fait prospérer le royaume d’Isandra. Le quatrième, encore orienté vers le Sud, a des cornes et une bosse moindZébu Madagascarre, incarne Andriamanalina II (1790-1796) dont le règne a été marqué par un déclin. Le dernier, tourné vers le Nord, correspond à Andriamanalina III, qui se lia par le sang avec le roi Andrianampoinimerina. La souveraineté perdit toute sa puissance en cette période, aussi le cinquième zébu avait à peine des cornes et une bosse. Andrianampoinimerina, « l’ombalahibemaso », était un grand roi puissant, intelligent, qui voyait loin.

Mais le zébu ne reste pas seulement un symbole. Il sert de référence. Le jeune Betsileo ou le jeune Merina mesure sa force avec celle du zébu en pratiquant le « savika » ou le « tolon’omby ». Ce sport violent et dangeureux, du genre des tauromachies, pratiqué encore de nos jours, plait énormément à la population. Les jeunes hommes y participent surtout afin de séduire leur bien-aimée. Les Bara, quant à eux, démontrent leur virilité à travers les vols de boeufs.

POUR LES VIVANTS ET LES MORTS

La possession d’un grand troupeau symbolise la puissance et la richesse. Et pour une demande en mariage, un jeune Bara doit s’amener avec l’heureuse élue avec un zébu « mazavaloha », lequel sera sacrifié si les négociations aboutissent aux fiançailles.

Pour tout évènement en général, la fortune d’une famille est estimée au nombre de boeufs abattus. Chez les Antandroy, l’élevage est plutôt contemplatif et le troupeau n’a d’autre utilité que pour les funérailles.

Le Révérand Père Callet dans « l’Histoire des Rois » évoque que si les Malgaches immolent des boeufs, c’est parce qu’ils pensent que l’ombre du mort pousse devant celles des zébus, vers le lieu où vont les défunts. Tuer les boeufs pour que leurs ombres soient emportées par le mort, c’est rendre les honneurs d’immolation des animaux. L’ombre de la personne décédée à qui on consacre ces cérémonies, gardera le troupeau là où se trouvent les âmes errants, c’est-à-dire à Ambondrombe (à 45 km à l’est d’Ambalavao, Fianarantsoa). Ainsi, pour le Bara, très attaché à ses bêtes, son seul désir, à sa mort, est d’emporter au moins un zébu à sa mort. Chez les Antandroy, on extermine tout le trZébu de Madagascaroupeau du défunt pendant la veillée mortuaire qui peut durer des semaines, voire même des mois. La tête de ces bêtes orneront le tombeau. De même, chez les Mahafaly, têtes de zébus et « aloalo » ornent les tombes. Les « aloalo », sculpture racontant la vie du défunt, présentent le dessin de zébus s’il en possédait de son vivant.

Sur les Hautes Terres, on tue trois, quatre boeufs ou plus, selon la fortune de la personne. Les cornes sont suspendues sur une longue perche que l’on plante près du tombeau. Les gens qui passent près de ces édifices pourront se faire une idée de la richesses du mort. La viande est distribuée à toute la population. Durant l’enterrement, d’autres boeufs sont également abattus pour la purification et la « prise de congé » du défunt. Et encore tout le long de l’itinéraire du convoi funèbre. Ainsi, au décès de la reine Ranavalona I, on a immolé des zébus pendant le passage du convoi funèbre jusqu’à Ambohimanga. Arrivés sur les lieux, 3000 bêtes ont été encore décapitées. Si la population n’a pas été satisfaite, la famille a intérêt à se rattraper après le deuil. C’est le « fiefana ».

Mais le plus fascinant dans la culture malgache du zébu, c’est sa valeur spirituelle. Presque dans toute l’île, il est choisi comme animal de sacrifice. De plus, il sert pour les cérémonies de purification. Une union inceste sera régularisée par le « fanalana ondrana » en tuant un zébu auquel tête et queue coupées seront placées inversement. Le rhum, qui traduit la vicissitude de la vie, et le boeuf figurent dans tout repas de communion des vivants et des morts. Invoqués durant le « joro », les ancêtres sont présents et prennent part aux festivités.

 

UNIFIE ET PURIFIE

Si l’alcool ainsi que la viande du zébu immolé, le « nofon-kena mitam-pihavanana », sont offerts à l’assistance pour marquer la solidarité et l’union de la population, l’ombre du zébu et l’odeur de l’alcool sont pour les ancêtres. Le sang qui représente le flux vital est recueilli dans une marmite en terre. Car la terre est la mère nourricière. De même, les serments se font en immolant un zébu. Ces rites se pratiquent jusqu’à nos jours, lors des inaugurations, des poses de pierres, des purifications…

Et toujours, dans cette foulée spirituelle, les « ody » (remèdes sacrées), les reliques, l’eau sont gardés dans les cornes de zébu.

Aujourd’hui, la culture du zébu persiste, ne serait-ce qu’en partie. Beaucoup de Malgaches placent leurs capitaux dans le zébu. En posséder est synonyme de réussite dans la vie sociale, notamment en milieu rural. Le taureau à longues cornes figure encore sur nos billets de banques et pièces de monnaie.

Hajasoa Randriamahazo

 

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