Le superlatif est incontournable quand il s’agit d’évoquer le nom du Professeur RAKOTO RATSIMAMANGA, dont le parcours est synonyme d’une brillante réussite ! Il est aujourd’hui un de nos plus éminents chercheurs et fait partie des sommités mondiales scientifiques.Et, pourtant son chemin ne fut pas une promenade de santé. Pas plus qu’il ne fut une route sans encombres. Mais il ne baissa jamais les bras faisant sien l’adage « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». |
Noble d’extraction princière, issu de la famille du Prince Ratsimamanga, oncle de la reine Ranavalona III, le jeune Rakoto, de son appellation courante au sein de sa famille, ne doit pas son succès uniquement à sa naissance, survenue sous les meilleurs auspices, semble-t-il. Il évoque lui-même l’heureux événement dans un livre autobiographique, intitulé « L’enfant aux pieds nus qui regardait les étoiles ».
« On était au mois d’Alahamady. L’automne touchait à sa fin et l’hiver austral allait couvrir les collines sacrées de l’Imerina de ses brumes épaisses. Selon l’Ombiasy, les signes du Zodiaque étaient propices à la saison nuptiale… Les lueurs du crépuscule lançaient dans le ciel une symphonie diaphane et écarlate. L’instant parlait d’amour à toute la nature et c’est dans cette complicité des choses que je fus conçu… » Car, faut-il le dire, à ses titres académiques prestigieux et à la liste interminable de ses travaux, il faut encore ajouter des ouvrages littéraires, d’une nature et d’une sensibilité différente de celle de ses publications scientifiques. Ainsi, nous devons à sa propre plume et complète les nombreux écrits que lui a consacrés son ami de toujours, Raymond William Rabemananjara, avec qui il partage une complicité et une profonde amitié, nées de leur rencontre sur le front d’une lutte pacifique pour l’avènement de l’indépendance du pays. Il nous fait découvrir un homme dont la vie peut se résumer dans ce raccourci flatteur que les Américains qualifient de « Success Story », dans l’essai biographique intitulé tout simplement Rakoto. C’est sous ce nom qu’il évoque l’itinéraire du « Fils de la Lumière », un autre ouvrage ansi intitulé et qui également consacré à la vie de cet enfant prodige qui se releva de l’humiliation infligée à son peuple pour prendre sa revanche sur un destin qui ne lui fut pas d’une grande indulgence aux premières années de son existence. Ruinée par la spoliation de tout son patrimoine par l’administration coloniale, la famille de Rakoto Ratsimamanga, comme bien d’autres du reste, était réduite à accepter cette nouvelle existence où il fallait lutter pour survivre, sans donner l’impression de déchoir, pour ne pas être affublée de la qualification infamante d' »Andriana reraka » dont les gens de la roture gratifiaient les nobles et grands bourgeois ayant perdu leurs rangs ! Le Prince Albert Rakoto Ratsimamanga a le grand mérite d’avoir forgé sa belle réussite dans des circonstances où facilités et difficultés, mauvais sort et bonne fortune se sont succédés. Malgache profondément attaché aux traditions tout en étant résolument convaincu des bienfaits de la modernité, il peut surprendre plus d’un, en faisant la part belle aux usages anciens dans la vie de tous les jours. En fait, ce profond respect des us et coutumes ancestraux, l’a accompagné depuis ses premières heures. « Je suis né un jour, je crois que l’on appelle « Vodiadaoro », écrit-il, ce qui signifie vers la fin de la lune Adaoro (du signe du Bélier), car l’année malgache est lunaire, suivant le système zodiacal arabe. Lorsqu’on a réuni les Ombiasy, je veux dire les prophètes, les devins, les astrologues, ils calculèrent le mois de ma naissance ansi que le jour, ils déclarèrent: « Ce sera un homme qui saura bien parler » et ils dirent à mon père et à ma mère Lala « Souvenez-vous que cet enfant doit savoir parler en public ». Et, ils ont ajouté: c’est une destinée très forte et pour qu’il échappe aux dangers, la cérémonie du feu est indispensable… Tout de suite après ma naissance, on a édifié une petite hutte près d’une source sacrée, hantée par des Vazimba à Tsimbazaza. On m’y plaça avec ma mère afin que je sois protégé et assuré contre les dangers. Nous restâmes dans cette case quelques instants et on y a mis le feu. Nous devions en sortir tous les deux vivants. D’après les devins, ma destinée m’obligeait à ne pas verser de sang, ni à chercher vengeance. Seuls les dieux et les ancêtres étaient chargés éventuellement de punir ceux qui, d’aventure, me voudraient du mal… » On va de surprise en surprise surtout si l’on n’est pas familier de ces coutumes ancestrales qui se perdent de nos jours. Son élogieux parcours peut-t-il être imputable à ces pratiques séculaires destinées à s’attirer les faveurs de la Terre et la protection du Ciel ? Quoi qu’il en soit, l’initiation princière conforme aux traditions qui lui fut prodiguée se prolongea par une éducation moderne et une instruction religieuse qui en firent un enfant qui faisait la fierté de sa famille, en particulier de ses… « deux » mères qui devaient assumer la lourde tâche de réussir seules sa formation, après la disparition de son père alors qu’il n’avait que onze ou douze ans… En fait, la perte de ce père fut l’occasion d’affirmer devant tout le monde ce que lui, Albert Rakoto Ratsimamanga, allait et devait devenir. Il raconte que lors des funérailles, quelqu’un dans un langage imagé et châtié, rappela l’histoire des souverains et souveraines et celle de la famille du défunt, avant de poursuivre à son endroit: « Maintenant, nous sommes orphelins car c’est l’aîné des Ratsimamanga qui vient de disparaître. Mais, dans notre malheur, nous avons un espoir – et me montrant du doigt l’orateur poursuivit – celui que je vous présente est encore jeune, mais il sera la « pierre que la terre a poussé » (vato nasondrotry ny tany), il sera « les cornes triomphantes de la famille » (tandrok’ombalahy), il sera le guide et le protecteur de cette famille aujourd’hui éprouvée et qui est dans la détresse ». Et, on me fit monter sur le tombeau et me demanda de verser le contenu d’un bambou, mélange de miel sauvage, de parfums et de poussières ramassées dans l’allée centrale de l’intérieur du tombeau… » Une nouvelle période d’épreuve commençait pour le jeune Prince qui sera élevé par ces « deux mères », entourées de deux tantes, après la mort de son père… Ses études médicales terminées, il effectua des études dentaires afin de pouvoir poursuivre ses études en France et connaître son rêve d’adolescent. Découvrir la métropole. Ce fut chose faite. Et ses efforts furent largement récompensés, puisqu’il obtint un doctorat es-sciences et un doctorat en médecine puis inaugura une carrière scientifique pour le moins époustouflante, notamment dans le domaine de la recherche, avant de devenir le premier ambassadeur de Madagascar en France, aussitôt l’indépendance recouvrée. C’est tout naturellement à cet homme d’une brillance sans pareille que le Président Philibert Tsiranana confiait la mission de représenter le pays auprès de nombreuses autres capitales, outre Paris.
Agé aujourd’hui de 93 ans, le professeur Albert Rakoto Ratsimamanga, incarne incontestablement le génie malgache. Doué d’une intelligence particulièrement vive et animé d’une volonté de réussir à toute épreuve, il est indubitablement, l’exemple d’un heureux mariage entre la tradition la plus conservatrice et la modernité la plus évoluée. C’est certainement là, la recette de cette réussite. Une belle réussite… 01 Juillet 2001
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