Sur les côtes sud-ouest de Madagascar vivent une éthnie appelée Vezo, dont les particularités ne manquent jamais de susciter la curiosité. Marine et semi-nomade, leur existence est liée étroitement avec la mer. Leur relation avec le grand bleu est une histoire d’amour teintée d’un certain goût de mythologie qui nous rappelle les dieux grec et romain Poséidon et Neptune. Certains d’entre eux se sont tout de même versé dans l’agriculture et se sont sédentarisés. LA MER Le terme Vezo vient de la profession de rameur car Vezo veut dire ramer. Autrefois, elle ravitaillait dans les deux sens le royaume Sakalava. Pour les Vezo, la mer est un lieu saint. Ils croient que l’environnement est géré par un dieu omni-présent au dessus de tout le monde, qui gère le climat, la météorologie et la nature en général. Le respect de ce dieu fait que certains lieux ont toujours été respectés comme étant sacrés comme les « ala faly » (forêts sacrées). Mais les Vezo croient fondamentalement aussi qu’il existe un grand dieu de la mer, anonyme mais toujours cité à la troisième personne du singulier qui y fait ce qu’il veut. Il y a aussi des petits dieux comme les « doany », par exemple, mais c’est le grand dieu anonyme qui assure la bonne gestion de la mer. Les Vezo croient également que certains esprits, indépendamment du grand dieu anonyme, habitent la mer et surveillent l’entrée des estuaires. Un rocher au milieu de la mer ou une grotte maritime peuvent être présidées par un esprit. Les esprits des gens qui ont eu des accidents maritimes habitent aussi la mer, et en cas de mauvais temps, pour avoir une accalmie, on les appelle. Il y a des fady : interdiction de salir la mer, d’y jeter de la viande de porc… Il y a même des gestes interdits : à Nosimboalavo, pendant la sieste, beaucoup de rats viennent importuner les dormeurs. Mais on n’a pas le droit de rire sinon une tempête de sable se déclenche sur toute l’île ; il faut une certaine attitude d’humilité. Pour les Vezo, la mer, c’est la vie elle-même et ceux qui la fréquentent : c’est la source de subsistance, c’est le lieu qui leur donne du bois (les mangroves), c’est la route. C’est aussi une barrière de sécurité parce qu’ils habitent sur les presqu’îles, la mer entoure le village et les malfaiteurs n’y accèdent pas facilement. La mer assure toute l’existence des Vezo, et tout ce qui leur manque est assuré par des villages jumeaux. LA PIROGUE ET LA GOELETTE Les Vezo utilisent une pirogue traditionnelle d’origine indonésienne témoignant des racines lointaines de l’éthnie. Taillée dans un tronc d’arbre, elle est dotée d’une voile carrée et d’un seul balancier. Ils utilisent également la goélette, voilier à gréement aurique d’origine européenne. Ils les fabriquent eux-mêmes, utilisant des techniques d’une autre siècle ou millénaire transmises par leurs ancêtres et qui ont peu évolué depuis. Les outils sont pareillement restés rudimentaires. La goélette est pour un Vezo ce qu’est le zébu pour la plupart des autres Malgaches. Elle est en même temps richesse et prestige social. Une famille Vezo épargne pendant plusieurs années pour s’en construire une. Les plus grands chantiers navals se trouvent à Morondava et Belo-sur-mer. La construction d’une goélette s’accompagne de différents rites traditionnels, depuis la coupe de bois en forêt jusqu’à la mise à la mer, nécessitant l’aide d’un devin pour solliciter la bénédiction du Créateur et des ancêtres afin que ceux-ci la rende solide et durable. Le propriétaire lui-même doit être purifié avant de disposer de sa nouvelle embarcation. LA PECHE A l’aise sur l’eau dès l’enfance, leur existence est dédiée à la mer. Pendant les mois favorables où la mer est naviguable, ils partent pêcher loin, vers les grands fonds riches en ressources. Pendant ces périples, ils s’arrêtent sur des îlots ou sur les plages côtières pour reprendre souffle, se suffisant de moyens de fortune pour subsister. Ils s’érigent des tentes en se servant essentiellement des mâts, rames et voiles de leurs pirogues. Pendant la période des cyclones, aux alentours de janvier et mars, les Vezo préfèrent rester dans leurs villages. Ils en profitent généralement pour entretenir leurs pirogues et remettre en bon état les filets. Ils vont alors pêcher dans les lagons et les chenaux de mangrove plus paisibles. La pêche en haute mer est souvent risquée, les femmes restent à terre et prient pour les hommes qui vont pêcher. Mais les Vezo qui vivent en symbiose avec la grande étendue connaissent bien leur milieu. Ils écoutent la mer, la sentent, savent en interprêter les couleurs et en connaissent bien les caprices, de même qu’ils savent interprêter le ciel, les nuages et le vent. Ils ont également une connaissance pointue de la faune marine et des zones de fréquentation des espèces. Ces savoirs se transmettent de générations en générations. Véritables professionnels, ils pêchent dans le lagon comme au large, en apnée comme en pirogue, les femmes comme les hommes, en beau temps comme en mauvais temps, de jour comme de nuit, des petits poissons comme des proies de taille, mettant en oeuvre leur parfaite maîtrise de la matière. Leurs matériels sont très simples : harpon, ligne en bambou et filet. Pour la conservation, les poissons sont séchés et fumés. Ils sont alors vendus dans les villes marchandes pour se procurer d’autres produits de nécessité. La tribu Vezo est la seule qui ne pratique pas la circoncision à Madagascar. Mais les hommes ont une tradition unique avec les tortues de mer dont la capture relève d’un véritable exploit car se fait en apnée et à mains nues, ce qui est très risqué. Après avoir été capturé, le reptile est offert en sacrifice sur un autel conformément à une recommandation des ancêtres, et seuls les hommes et les enfants mâles peuvent en consommer la viande.
Photos : Maison du tourisme, Jacques FERNANDES, Christian VAISSE |